Et si la réalité virtuelle était le futur du cinéma ? Plutôt que de s’asseoir devant un écran géant dans une salle obscure, cette technologie permet au spectateur de s’immerger dans un film, de plonger au cœur de l’action et d’incarner un personnage. Il va sans dire que la VR offre au septième art de nombreuses possibilités. Toutefois, de nombreux obstacles se dressent encore devant le cinéma VR. Découvrez comment la réalité virtuelle transforme le cinéma.
Cinéma VR : les films à 360 degrés permettent de s’immerger totalement dans l’action
La réalité virtuelle pourrait être la prochaine révolution pour l’industrie du cinéma. Un siècle après l’introduction du Technicolor, en 1917, cette nouvelle technologie ouvre de nouvelles perspectives pour le septième art. Après le fond vert dans les années 40, les CGI dans les années 70, la VR se présente comme la prochaine innovation en passe de transformer le secteur, en augmentant la sensation d’immersion procurée par les films et leur réalisme.
La 3D était supposée révolutionner le cinéma, mais n’a pas réussi à susciter l’intérêt. En revanche, de nombreux cinéastes sont très intéressés par la réalité virtuelle, pour de bonnes raisons. La possibilité de filmer à 360 degrés permet de proposer aux spectateurs de se plonger dans un film, de se sentir immergé. Plutôt que de simplement regarder un film, les spectateurs entrent réellement dans le film, et ont la sensation d’être présents physiquement. L’action ne se déroule plus seulement devant eux, mais tout autour d’eux.
De même, il est possible de proposer aux spectateurs du contenu interactif. Par exemple, le court-métrage VR Henry, récompensé par un Emmy Award, met en scène un petit hérisson qui suit le spectateur du regard. Là encore, la sensation d’immersion est décuplée. Le spectateur devient acteur. Ainsi, cette technologie apporte son lot de défis et de possibilités pour le monde du cinéma. Toutefois, comme pour les jeux vidéo en réalité virtuelle, les attentes relatives aux films à 360 degrés sont variables.
Il est effectivement possible que la réalité virtuelle transforme l’industrie du cinéma, en transformant totalement le cinéma traditionnel, et en remplaçant les lunettes 3D par des casques VR, mais nous ne sommes encore qu’au début de cette transformation. Même les professionnels enthousiasmés par cette technologie ne sont pas encore vraiment sûrs de l’impact qu’aura la VR sur l’industrie. Malgré ces doutes, la création de films en réalité virtuelle est déjà en plein essor.
Les films en VR envahissent d’ailleurs les festivals de cinéma traditionnels les plus prestigieux : Sundance, Tribeca, ou même le festival de Cannes présentent et récompensent désormais des sélections de films en réalité virtuelle. Plus les casques de réalité virtuelle se démocratiseront, plus les studios importants s’intéresseront à ce medium et investiront des moyens financiers pour donner vie à des projets d’envergure. Pour l’heure, de nombreux blockbusters bénéficient d’une promotion par le biais d’une expérience en réalité virtuelle. Parmi les films récents ayant profité de ce traitement, on peut citer Ghost in the Shell, Power Rangers, Alien Covenant ou encore SpiderMan Homecoming.
Cinéma VR : les cinéastes sont encore en phase d’expérimentation
La VR est une plateforme narrative totalement nouvelle. Par conséquent, les cinéastes sont encore en phase d’expérimentation, de découverte, et la qualité des films est très variable. Il n’existe pas encore de standards pour les films à 360 degrés, et de nombreuses difficultés attendent ceux qui se lancent dans l’aventure, du tournage à la post-production.
De nombreux films sont produits par de gros studios qui ont choisi de créer une division VR, mais il existe également plusieurs sociétés de production entièrement dédiées aux films en VR. Selon Simon Robinson, co-fondateur de The Foundry, les vidéos à 360 degrés prolifèrent car il est de plus en plus facile d’en créer. Les caméras à 360 degrés sont désormais abordables et disponibles sur le marché grand public, et tout un chacun peut mettre en ligne ses vidéos sur YouTube 360 ou Facebook 360, pour ne citer que ces deux plateformes.
Cependant, pour créer un film de qualité, la tâche est beaucoup plus ardue. L’une des principales difficultés est de filmer en stéréoscopique, pour permettre au spectateur de visualiser la scène avec une profondeur 3D dans son casque VR. Si cette technique augmente considérablement le réalisme et l’immersion, elle ajoute également une difficulté pour les cinéastes qui doivent considérer deux perspectives à la fois. De même, travailler dans un environnement sphérique est beaucoup plus complexe qu’avec des images plates.
Comme l’explique Will McMaster, directeur de la division VR chez Visualise, la principale difficulté est d’anticiper à quel endroit se posera le regard du spectateur, et de comprendre comment contrôler la direction de son regard. La moindre erreur de mise en scène ou de montage peut passer inaperçue et ruiner l’expérience dans sa totalité. Par ailleurs, les coûts de production sont extrêmement élevés.
Pour le réalisateur français Alexandre Perez, la modification va encore plus loin puisqu’il faut, selon lui, réécrire la grammaire cinématographique. « Il existe certaines notions à réinventer, notamment celle du hors champ, ce qui se passe en dehors du cadre qui là est aboli. » En ce qui concerne ce dernier, Alexandre Perez à trouvé une solution. Dans son film Sergent James, il met le spectateur dans la peu de la figure du « monstre sous le lit » ce qui fait que le hors champ est symbolisé par le lit.
Cinéma VR : un modèle économique à trouver
Le principal problème du cinéma à l’heure actuelle est le suivant : comment gagner de l’argent grâce à un film? En France, le budget moyen pour un long métrage est de 4.4 millions d’euros. Du côté de la VR, un film comme Miyubi d’une quarantaine de minutes issu d’un studio de production connu comme Félix & Paul. Même si celui-ci a été primé notamment à l’occasion du VR Arles Festival celui-ci n’est en aucun cas viable économiquement. Malgré l’investissement de Facebook dans le studio, ce cas là ne fait pas une généralité.
Dans un ordre général, l’ensemble des films en VR ne vivent que par des subventions. En effet, tous ces films sont disponibles gratuitement sur les plateformes telles qu’Oculus Store, Steam ou autres. De plus, le matériel pour filmer à 360 degrés coûte une somme considérable et les réalisateurs doivent trouver de généreux mécènes. Dans une dimension plus franco-française, le film Sergent James a été financé et soutenu par TF1 et le film à coûté 140 000 euros.
La problématique est la suivante : il est nécessaire pour les créateurs et investisseurs de trouver un modèle économique. Ainsi, la banque Goldman Sachs estime qu’en 2025, le marché de la VR et de l’AR sera de 80 milliards de dollar. Selon Michel Hazanavicius, président du jury du VR Arles festival ce qu’il manque au cinéma VR c’est son film référence : » Il manque à la VR son Avatar, faisant que l’on considérera la VR comme indispensable. »
Une place de plus en plus importante dans les festivals pour le cinéma VR
Cela a fait l’actualité durant le festival de Cannes le réalisateur espagnol Alejandro González Iñárritu a présenté un de ses film en réalité virtuelle : Carne y Arena. Le film présente le parcours des migrants mexicains se dirigeant vers les États-Unis. L’arrivée de la VR au festival de Cannes confirme que cet aspect du cinéma prend une place importante même pour les créateurs et les spécialistes du 7è art.
De plus, d’autres festivals se sont placés dans la combinaison cinéma et VR. C’est le cas du Paris Virtual Film Festival ou encore du VR Arles Festival qui fêtent leur seconde édition cette année en surfant sur cette popularité. Par exemple, ce dernier se déroule durant les rencontres d’Arles et est étendu durant les deux mois des vacances estivales. Le tout avec un jury prestigieux avec à sa tête Michel Hazanavicius.
Ces festivals ont pour but de montrer au public des productions en réalité virtuelle à grande échelle. Ainsi, le festival parisien a pu réunir 2700 visiteurs en 2 jours. Au VR Arles Festival, des conférences étaient également organisées sur la réalité virtuelle afin de sensibiliser les gens à la question du cinéma VR. Ainsi, des réalisateurs tels que Jérôme Blanquet ou Loïc Ciutti étaient invités à débattre.
Dans le cadre du festival Sundance 2018, le cinéma VR a franchi un nouveau cap. Au total, 13 000 films en réalité virtuelle ont été proposés. Le jury n’en aura retenu que 24, mais toutes ces réalisations sont époustouflantes. Parmi les 5 films présentés par Oculus dans le cadre de l’événement, on compte notamment Wolves in the Walls une adaptation interactive en VR du livre éponyme publié en 2003.
Réalisé par les créateurs du film Henry, on retrouve les mécaniques de cette première création avec notamment le personnage qui suit le spectateur du regard. Ce n’est pas tout tout puisque le personnage tend à présent des objets à l’utilisateur. Par ailleurs, il est possible d’interrompre la narration en communiquant avec le protagoniste virtuel. Ce nouveau film repousse les limites des films à 360 degrés.
On retiendra aussi le documentaire The Sun Ladies, proposant de suivre le périple de femmes Yazidi combattant Daesh à Sinjar. Ce court-métrage immerge le spectateur dans une situation de crise, ce qui lui permet de réellement ressentir la situation dramatique dans laquelle ces femmes sont plongées au quotidien. Ce documentaire montre l’immense capacité du cinéma VR à susciter l’empathie.
Intel : la technologie de pointe au service du cinéma VR
Dans le cadre du CES 2018, Intel a annoncé l’ouverture de son propre studio de cinéma VR à Los Angeles. Au centre du Intel Studios, on trouve un immense dôme de près d’un kilomètre carré, dédié à une technologie de pointe qui pourrait offrir une nouvelle envergure au cinéma en réalité virtuelle. Cette technologie est la capture volumétrique, permettant de capturer des objets ou des acteurs en 3D afin de les matérialiser directement en VR ou AR ou sous forme d’hologrammes pour les films en 3D.
Les données sont transmises vers les serveurs d’Intel grâce à 8000 mètres de fibre à une vitesse de 6 terabytes par seconde pour prendre en charge la production et le montage. Ce studio a pris 18 mois à voir le jour, mais pourrait permettre à Intel de se hisser parmi les leaders du cinéma VR. Paramount a d’ores et déjà décidé d’utiliser ce studio pour ses futurs projets.
Dans le cadre du festival Sundance 2018, Intel a fait une démonstration de son époustouflante technologie RealSense Volumetric Content Capture. La firme proposait aux visiteurs de se capturer en 3D pour ensuite s’intégrer à des films. Intel a également fourni les outils technologiques nécessaires à la réalisatrice Eliza McNitt pour créer son film VR SPHERES, présenté au Sundance. Ce film propose aux spectateurs de visiter les recoins du cosmos en réalité virtuelle.
Les salles de cinéma en réalité virtuelle sont de plus en plus réalistes
Depuis le lancement des premiers casques VR, en 2016, les salles de cinéma en réalité virtuelle prolifèrent. Oculus Videos, CMOAR VR Cinema, ou encore Big Screen : ces applications permettent tout simplement de regarder des films à 360 degrés ou des films traditionnels dans le plus grand des conforts. L’utilisateur est immergé dans une salle de cinéma en VR, avec un écran géant face à lui.
Ainsi, il est possible de profiter des conditions d’un vrai cinéma depuis le confort de son lit, confortablement couché sur un édredon. Les géants du streaming comme Netflix et HULU proposent eux aussi des applications permettant de visionner des films et séries sur écran géant au sein de la VR.
Toutefois, Paramount a décidé de créer le cinéma VR le plus réaliste de tous les temps. En partenariat avec Big Screen, le géant américain a créé une expérience simulant à la perfection l’expérience d’une séance de cinéma. L’utilisateur doit acheter son ticket à la caisse, choisir son siège dans la salle, et même discuter avec son voisin de siège pendant les bandes annonces. Cette salle de cinéma en réalité virtuelle retranscrit ainsi la convivialité et la chaleur humaine d’une séance de cinéma traditionnelle.
Cinéma VR : le futur des films à 360 degrés
Au delà des différentes difficultés techniques et financières que rencontrent les cinéastes VR, le principal frein à l’essor du cinéma VR est le fait que les producteurs et les caméraman ne savent pas encore comment filmer à 360 degrés. Même avec de l’argent, un film à 360 degrés ne sera pas réussi comme par magie. Il faudrait attendre plusieurs années, voire même plusieurs décennies pour que les techniques narratives se développent et aboutissent.
Il est plus facile de démontrer le potentiel de la réalité virtuelle par le biais d’une expérience interactive ou d’un jeu vidéo, mais les vidéos à 360 degrés sont un domaine totalement différent. Si la VR révolutionne le cinéma, cette transition n’aura pas lieu cette année, ni l’année prochaine. Il suffit de comparer la complexité narrative des films de Charlie Chaplin avec les films modernes. Les deux sont tout bonnement incomparables. Cette différence n’est pas uniquement liée aux améliorations techniques, mais aussi au développement progressif des idées et du savoir-faire artistique.
En tous les cas, il est peu probable que la réalité virtuelle remplace le cinéma traditionnel. Il semble plus plausible que le cinéma VR se développe en parallèle. Dans un futur proche, les salles de cinéma proposeront certainement des films classiques, et des films en réalité virtuelle à visionner par le biais d’un casque VR. Les géants du cinéma comme MK2 en France ou IMAX aux Etats-Unis se sont déjà lancés dans la réalité virtuelle avec des salles dédiées. Le MK2 VR à Paris permet d’essayer des jeux et expériences en réalité virtuelle, avec un changement de programmation hebdomadaire, et le IMAX VR Center se présente comme une salle de jeux en réalité virtuelle, mettant l’accent sur l’aspect spectaculaire de cette technologie. La convergence entre cinéma et réalité virtuelle a déjà commencé, et n’est pas près de s’estomper.
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