La réalité virtuelle n’est pas l’apanage des joueurs de jeux vidéo. Elle fait également son chemin dans le monde médical et influence la manière dont les professionnels de la santé sont formés, posent des diagnostics et prescrivent des traitements.
Après une première expérience de réalité virtuelle, l’utilisateur commence souvent à imaginer toutes les possibilités que pourraient offrir les progrès technologiques. Dans le monde médical, le potentiel de la réalité virtuelle est illimité. Et la bonne nouvelle, c’est que les scientifiques et les professionnels de la santé travaillent depuis plusieurs années au développement et à la mise en œuvre de la réalité virtuelle dans le secteur médical. Voici dix exemples d’application de la réalité virtuelle au monde de la santé.
Thérapie d’exposition
L’un des traitements préconisés pour les personnes souffrant de phobies est la thérapie d’exposition. Il s’agit d’une technique de désensibilisation qui consiste à exposer le patient à l’environnement qui lui pose problème. Suivant cette idée, des psychiatres de l’université de Louisville emploient la réalité virtuelle pour aider leurs patients à surmonter des peurs telles que la claustrophobie ou la peur de prendre l’avion.
Grâce à la réalité virtuelle, les patients sont immergés dans un environnement bien spécifique où ils peuvent affronter leurs peurs, développer des mécanismes de défense et briser la stratégie de l’évitement, tout cela dans un cadre privé et sûr. L’expérience est d’autant plus probante qu’elle peut être facilement interrompue ou répétée en fonction des besoins.
Traitement du syndrome de stress post-traumatique
De la même manière, la réalité virtuelle peut aider les militaires souffrant du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Cela ne date pas d’hier, puisqu’une étude de l’Institut des technologies créatives de l’université de Caroline du Sud indique que la réalité virtuelle est utilisée pour traiter le SSPT depuis 1997. Cette année-là, le Georgia Institute of Technology avait proposé Virtual Vietnam VR, un programme plongeant l’utilisateur dans le Viêt-nam en guerre. Il s’agissait d’exposer l’ancien combattant à des scènes semblables à celles qui avaient suscité son traumatisme.
Plus récemment, des cliniques et des hôpitaux ont commencé à avoir recours à la réalité virtuelle pour reproduire des scènes de guerre similaires à celles que des soldats ont connues en Irak et en Afghanistan. Ces patients revivent en permanence et à plusieurs niveaux les événements traumatiques qu’ils ont vécus. Immergés dans un environnement bien défini, ils peuvent apprendre à supporter des visions qui pourraient provoquer chez eux un comportement destructeur qui leur nuit et nuit à leur entourage.
Gestion de la douleur
Pour les grands brûlés, la douleur est chronique. Les médecins espèrent que la combinaison de techniques de distraction et de réalité virtuelle pourra les aider à gérer leur souffrance. SnowWorld, un jeu vidéo en réalité virtuelle de l’université de Washington, pourrait atténuer la souffrance lors de traitements atrocement douloureux, comme le soin des plaies ou la physiothérapie. Le jeu consiste à jeter des boules de neige sur des pingouins tout en écoutant Paul Simon. Le cerveau est ainsi submergé d’informations (auditives, visuelles, haptiques) et le patient est soulagé.
Une étude conduite par l’armée en 2011 a révélé que SnowWorld était plus efficace que la morphine chez les soldats présentant des brûlures qui résultaient notamment de la déflagration d’engins explosifs improvisés.
Formation des chirurgiens
Les chirurgiens commencent en général par s’exercer sur des cadavres avant de seconder des médecins expérimentés. Petit à petit, ils effectuent des tâches plus complexes et plus longues, jusqu’à pratiquer des opérations du début à la fin. La réalité virtuelle pourrait leur fournir une autre manière de s’exercer sans risquer de blesser un patient.
L’université de Stanford, pour ne donner qu’un exemple, dispose d’un simulateur de chirurgie doté d’une interface haptique. Les étudiants peuvent s’exercer dans des conditions presque réelles. Ainsi, la simulation de chirurgie endonasale par voie endoscopique utilise des scanners de patients pour créer des modèles en 3D. Cette machine existe depuis 2002. Elle n’emploie pas de casque de réalité virtuelle mais pourrait servir à améliorer l’efficacité de nouvelles simulations virtuelles.
Membre fantôme
Un grand nombre de personnes amputées souffrent du membre fantôme. Un patient amputé du bras peut ainsi avoir l’impression de serrer fermement le poing, ce qui l’empêche de se détendre. Mais les manifestations du membre fantôme peuvent être pires et, fréquemment, la sensation est douloureuse, voire insoutenable.
Parmi les traitements employés, on peut citer la boîte miroir, qui consiste à utiliser le reflet du membre existant afin de donner l’illusion au cerveau que l’image reflétée est celle du membre fantôme.
Dans la même idée, la revue médicale Frontiers in Neuroscience a publié l’an dernier une étude sur le rôle que les jeux vidéo en réalité virtuelle pourraient jouer pour atténuer la souffrance des personnes amputées. Il s’agirait d’employer des capteurs pour repérer les signaux nerveux du cerveau. Dans le jeu, le patient utiliserait un membre virtuel et accomplirait certaines tâches. Cela l’aiderait à mieux maîtriser son corps et à apprendre, par exemple, à relâcher ce poing si fermement serré.
Diagnostic et traitement de lésions cérébrales
La revue Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking a publié une liste d’expériences de réalité virtuelle permettant non seulement de repérer des lésions cérébrales mais aussi de les traiter. L’une de ces expériences est liée à la fonction exécutive ; elle vise à repérer des troubles au niveau de l’organisation et du classement.
L’utilisateur doit trouver la sortie d’un immeuble en empruntant des portes de différentes couleurs. Cela ressemble au Wisconsin Card Sorting Test (WCST), un test neuropsychologique où le participant doit associer des cartes. Il ne sait pas comment classer ces cartes, il sait seulement s’il les classe bien ou mal. « Les auteurs ont conclu que leur test virtuel évaluait les mêmes fonctions cognitives que le WCST et qu’il était peut-être plus écologique », peut-on lire dans la revue.
Amélioration de la cognition sociale des jeunes adultes autistes
Des professeurs de l’université du Texas à Dallas ont créé un programme visant à aider les jeunes adultes autistes à développer leurs compétences sociales. Ce programme utilise l’imagerie cérébrale et le suivi des ondes du cerveau. Il plonge les patients dans des situations telles qu’un entretien d’embauche ou un rendez-vous à l’aveugle ; ceux-ci doivent alors interagir avec des avatars. Ils apprennent à décoder des signaux sociaux et à adopter un comportement socialement acceptable. L’étude a révélé que les scanners du cerveau des autistes qui avaient utilisé ce programme montraient une augmentation de l’activité dans les zones du cerveau liées à la compréhension sociale.
Méditation
L’un des traitements de l’anxiété est la méditation. DEEP, une nouvelle application pour l’Oculus Rift, vise à apprendre aux utilisateurs à respirer profondément, comme pour méditer : c’est la respiration qui fait office de manette. L’utilisateur place un dispositif autour de sa poitrine afin que sa respiration puisse être contrôlée. L’expérience est comparable à une plongée dans un monde sous-marin. En respirant, l’utilisateur passe d’un endroit à l’autre.
Un autre avantage de cette application, c’est qu’elle peut être employée par les utilisateurs qui ne peuvent pas se servir d’un joystick ou d’une manette traditionnelle.
Des possibilités pour les handicapés
Ce n’est pas nouveau : en 1994, le New York Times publiait un article décrivant comment un petit garçon de cinq ans atteint d’infirmité motrice cérébrale pouvait se promener en chaise roulante dans une belle prairie, ou comment cinquante enfants cancéreux pouvaient « nager » dans un grand aquarium rempli de poissons.
Plus récemment, Fove, une start-up japonaise qui a créé un casque de réalité virtuelle, a lancé une campagne de financement participatif visant à créer une application, Eye Play the Piano, grâce à laquelle des enfants handicapés pourraient jouer du piano grâce à la technologie de suivi des mouvements de l’œil.
Des possibilités pour ceux qui ne sortent pas de chez eux
D’aucuns s’inquiètent des conséquences de la réalité virtuelle dans nos vies : quand on pourra aller n’importe où et faire n’importe quoi grâce à un casque de réalité virtuelle, peut-être que l’on préférera se retirer dans un monde virtuel idéal plutôt que de sortir et d’explorer le monde réel.
Que cette inquiétude soit fondée ou non, certaines personnes, de par leur âge ou leur handicap, par exemple, n’ont pas la possibilité de sortir de chez elles. La réalité virtuelle pourrait donc améliorer leur qualité de vie et leur permettre de voir autre chose qu’une maison de retraite, une chambre ou un lit.
L’an dernier, des étudiants en ingénierie de l’université de Stanford ont créé une expérience de réalité virtuelle pour personnes âgées. Celles-ci peuvent profiter du monde extérieur, en faisant une promenade à vélo ou en marchant sur la plage. Pour rendre l’expérience plus réelle, SUSIE, Senior-User Soothing Immersive Experience (littéralement, expérience d’immersion apaisante pour personnes âgées), agit au niveau du son, de la lumière, du vent et même de la température. L’image est projetée sur un grand écran qui couvre le champ de vision de l’utilisateur.
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