Pour les publicitaires et les agences de surveillance, la réalité virtuelle est une véritable mine d’or. Les données de mouvements des utilisateurs, collectées par les capteurs des casques VR, permettent d’analyser les réactions et le comportement des usagers comme jamais auparavant.
En octobre dernier, dans le cadre de la conférence Oculus Connect 3, Mark Zuckerberg présentait une première démo de Faceboook VR, le futur du réseau social en réalité virtuelle. La Producter Manager de la plateforme Oculus, Lauren Vegter, en profitait pour décrire la façon dont les avatars sont amenés à devenir la fondation de nos identités dans la réalité virtuelle.
Le futur de la social VR semble effectivement excitant. Toutefois, ce tableau radieux dissimule un côté sombre. La réalité virtuelle offre aux grandes entreprises de ce monde de nouvelles possibilités de surveillance des utilisateurs et de leur intimité. Selon plusieurs chercheurs, les technologies d’avatars et les innombrables données générées par les utilisateurs de casques VR peuvent permettre aux multinationales et aux gouvernements d’analyser chacune de nos émotions et de nos comportements physiques.
La réalité virtuelle offre de nouvelles opportunités de surveillance
Depuis bien longtemps, les entreprises dont le profit reposer sur la monétisation de données d’utilisateurs utilisent des cookies, des beacons et des tracking codes pour analyser le comportement des internautes sur la toile. Les sites que nous visitons, le temps passé à dérouler l’écran, le contenu des emails ou des discussions privées sont passés en revue par des géants comme Google et Facebook pour envoyer à chacun des publicités ciblées.
Aujourd’hui, au sein de la réalité virtuelle, ces entreprises peuvent utiliser des capteurs de surveillance et autres techniques pour étudier le comportement physique des utilisateurs de casques VR. Les consommateurs n’interagissent plus seulement par le biais d’un clavier ou d’une souris, mais directement à l’aide de leurs corps. Les expressions faciales, les mouvements de tête, peuvent être analysés pour comprendre les émotions des usagers au cours de leur expérience en ligne.
L’empreinte cinématique permet d’identifier les utilisateurs de casques VR
Par exemple, CognitiveVR a développé un logiciel intitulé SceneExplorer, permettant de cartographier les points de l’écran qui attirent l’attention de l’usager au sein d’environnements virtuels grâce aux données du gyroscope embarqué par les casques VR. De même, Yotta Technologies utilisent les capteurs des casques VR pour détecter l’état émotionnel de l’utilisateur en fonction de ses mouvements faciaux et oculaire. Les contrôleurs comme Oculus Touch ou LeapMotion permettent également d’enregistrer les mouvements des mains.
Les mouvements ainsi collectés forment une « empreinte cinématique », pouvant être utilisée pour identifier et analyser une personne en fonction de sa posture et de ses mouvements. Les publicitaires sont d’ores et déjà très excités par ces nouvelles opportunités. Les investissements massifs dans les technologies de réalité virtuelle en témoignent.
Surveiller, et peut-être manipuler les émotions
Plus inquiétant encore, les Data Scientists de la Silicon Valley tentent de comprendre comment modifier le comportement des internautes. En 2012, Facebook avait secrètement modifié le fil d’actualité de certains usagers pour étudier leurs réactions à divers contenus positifs ou négatifs. Pour influencer le comportement des internautes, les géants du web cherchent par exemple des façons de punir les comportements négatifs ou de récompenser les comportements positifs.
Les conditions d’utilisation d’Oculus stipulent que la firme collecte des données sur les mouvements physiques, afin de personnaliser l’expérience utilisateur en fonction des activités en ligne et proposer des publicités ciblées. La firme s’octroie aussi le droit de partager ces informations avec tiers, et notamment Facebook, et d’y accéder pour détecter et empêcher la fraude et autres activités illégales. En revanche, Oculus affirme qu’elle n’utilise pas ces données pour manipuler le comportement ou les émotions des utilisateurs.
Une législation est indispensable
Comme l’explique Andrea Stevenson Won, diplômée du Virtual Human Interactions Lab de Stanford, il sera intéressant de constater si les consommateurs s’opposeront à l’idée que leurs données physiologiques soient traquées. Pour l’heure, aucune proposition législative n’a été faite pour limiter ces nouvelles formes de surveillance.
Un groupe d’avocats de l’Illinois envisage de créer une nouvelle législation basée sur le Biometric Information Privacy Act. Cependant, contrairement aux données biométriques traditionnelles, comme l’ADN ou les empreintes digitales, les données liées aux mouvements sont difficiles à légiférer. Ces données se situent à mi-chemin entre les données médicales et les données de communication. Espérons qu’une législation stricte et bien définie accompagnera la démocratisation de la réalité virtuelle.
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