Dans le cadre du salon VR Days 2019, organisé à Amsterdam du 13 au 15 novembre, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec Laurent Chrétien : directeur général de l’association Laval Virtual qui a co-organisé l’événement. L’occasion de revenir ensemble sur le long chemin parcouru par l’industrie de la VR depuis cinq ans…
Les VR Days 2019 prenaient place à Amsterdam du 13 au 15 novembre, pour une cinquième édition particulièrement réussie. Cet événement célébrait le premier « Lustrum » de la réalité virtuelle : un cycle de cinq ans débuté avec la première édition du salon en 2014, coïncidant aussi avec l’acquisition d’Oculus par Facebook. Dans ce contexte, nous avons interrogé Laurent Chrétien, directeur général de Laval Virtual, sur sa vision quant à la fin de ce cycle…
De quelle façon Laval Virtual est-elle impliquée dans l’organisation des VR Days ?
Ça fait maintenant quatre ans qu’on se connaît, lors de leur venue à Laval Virtual et on a décidé de coopérer ensemble sur la co-animation de nos cycles de conférences respectifs sur 2017 et 2018. Pour 2019, nous avons décidé conjointement d’aller plus loin.
Du coup, l’implication de Laval Virtual dans l’organisation des VR Days cette année a dépassé le stade des conférences. Notre équipe s’est occupée de l’intégralité du cycle de conférence qui a lieu pendant l’expo au Kromhouthal, et nos équipes ont participé très activement à la commercialisation de l’exposition.
Quel est l‘objectif de cet événement ? De quelle façon s‘inscrit-il dans la stratégie de Laval Virtual ?
L’objectif de l’événement, ici à Amsterdam depuis 5 ans, est d’essayer de réunir la communauté VR / AR, aussi bien les faiseurs que les utilisateurs avec peut-être ici une connotation plus « contenu » qu’à Laval où nous sommes plus orientés « techno ». Les deux événements se complètent donc plutôt bien.
Tout comme pour Laval Virtual, le but est aussi de faire rayonner la ville de Laval. C’est aussi un excellent moyen de capitaliser nos réseaux relationnels, nos expériences et de se faire progresser mutuellement.
Quels sont les principaux changements par rapport à l’édition 2018 ?
Il n’y a pas énormément de changements. La partie forum investisseurs qui était auparavant sur le site de l’expo prend maintenant place au Théâtre DeLaMar en même temps que la conférence et je pense que c’est beaucoup mieux, car il y a plus d’investisseurs à la conférence qu’à l’exposition.
Il y a aussi une augmentation du nombre de conférences sur le lieu de l’exposition demain, et surtout une croissance de 30% sur le nombre d’exposants. Si on maintient ce taux de croissance pendant trois ou quatre ans, les VR Days arriveront au niveau de Laval Virtual.
Cependant, il ne faut pas toujours chercher à grossir la taille des événements. Dans le cas contraire, on risque de perdre l’âme. C’est d’ailleurs le choix qu’on a fait à Laval et qu’on fera sûrement ici à Amsterdam pour les VR Days.
Cet événement est placé sous le signe du « lustrum », selon vous est-ce un cycle qui se termine pour la VR ?
Spontanément je dirais que non, c’est plutôt une continuité, mais effectivement on arrive peut être à la fin de l’introduction. Les lunettes et visiocasques arrivent à une certaine maturité, des écosystèmes d’acteurs qui produisent du contenu de qualité en Europe se construisent, il n’y a plus d’enjeu sur la capacité à construire des choses.
En revanche il reste des enjeux sur les modèles économiques, notamment sur la partie « contenu ». L’autre chose qui va se passer dans les mois ou les années à venir, c’est que la réalité virtuelle va s’effacer en termes de technologie « évidente » pour se mélanger avec l’intelligence artificielle, la blockchain, la robotique, l’Internet des Objets, etc.
Dans le concept du « lustrum » il y a aussi la notion de sacrifice. Est-ce que vous pensez qu‘il a fallu des sacrifices pour que l‘industrie de la VR se développe ?
Oui, je pense qu’il a fallu faire des sacrifices au sens abnégation, au sens foi dans la technologie, au sens investissement. Des sacrifices de temps, de finances, d’énergie. Ce qu’on fait à Laval Virtual en est un exemple : les collectivités ont porté à bout de bras un événement pendant presque 15 ans sans qu’il soit absolument rentable.
Et puis progressivement, le marché a commencé à se développer, à exploser et a permis la croissance qu’on connaît à Laval Virtual et qu’on essaye de partager avec les acteurs comme les VR Days qu’on apprécie.
Va-t-on selon vous vers une démocratisation de la VR ?
On y va. Plus lentement que ce que les constructeurs aimeraient, mais on y va. Les déploiements auprès du grand public et en entreprise sont encore limités, mais ils se poursuivent. Ce sont d’ailleurs pour moi les ESN telles que Capgemini ou Accenture qui seront capables de déployer massivement en entreprise.
D’autres facteurs sont intéressants pour la démocratisation comme la standardisation. Par exemple, le Khronos Group y travaille avec son standard OpenXR. Bientôt, il sera possible d’utiliser n’importe quel contenu avec n’importe quel masque et cela va faire beaucoup de bien à l’industrie.
Il reste des freins pour le grand public, comme l’isolement que confère le masque qui constitue un frein psychologique très fort. Pour y remédier, les jeux et services grands publics sociaux, collaboratifs, avec le déploiement de la 5G et des Clouds VR / AR vont aider à transgresser ce frein.
Nous n’y sommes pas encore. D’ici 10 à 15 ans, on peut s’attendre à ce que le casque VR soit aussi utilisé que le smartphone par tout un chacun. Une habituation naturelle va se faire en entreprise et passer au grand public.
Beaucoup d’analystes prédisent un essor de la réalité augmentée au détriment de la VR. Qu‘en pensez-vous ?
Technologiquement, la réalité augmentée est un peu en retard par rapport à la VR. La superposition d’éléments virtuels sur le réel n’est pas si simple que ça à réaliser et à organiser dans l’environnement. Alors que quand on est en réalité virtuelle, on est en réalité virtuelle, immergé dans un univers virtuel.
Néanmoins, en entreprise, la réalité augmentée a effectivement beaucoup plus de potentiel que la réalité virtuelle. Ça ne répond pas aux mêmes usages, même si les contenus en temps réel sont les mêmes, les cas d’application ne sont pas les mêmes.
Par exemple pour les formations la réalité augmentée va permettre les formations simples et massives, tandis que la réalité virtuelle permet des formations plus complexes, mais individuelles. Pour le grand public, en revanche, les deux technologies devraient profiter d’un développement fort.
Ici, aux VR Days, la réalité augmentée est moins présente, car il s’agit d’un événement historiquement orienté VR et plutôt sur le contenu. Cependant, cela devrait s’hybrider progressivement.
Selon vous, la France peut-elle compter parmi les leaders de l’industrie de la VR ?
La France, aux côtés des États-Unis ou du Japon, compte parmi les pionniers de la réalité virtuelle. Quelle que soit la technologie, toutefois, nous avons rarement été des pros du hardware. Nous avons donc un peu laissé échapper les startups hardware même si nous en avons régulièrement qui tentent leur chance et qui, je l’espère, réussiront à se démarquer.
Côté software, on a quelques belles réussites. Cependant, c’est surtout côté applicatif que nous sommes très forts et que nous avons un grand rôle à jouer. On est imaginatif et on sait développer correctement. Ceci représente un véritable eldorado, car nous n’avons exploré que la surface de ce qu’il est possible de faire de la réalité virtuelle.
On essaye d’aider les startups à la modeste échelle de Laval Virtual, via nos événements internationaux ou en travaillant avec Business France sur des programmes de développement de marché international. Les VR Days et Laval Virtual Asia participent aussi à cette démarche d’aider les startups françaises à exporter, à rencontrer de nouveaux marchés.
À Laval, le Laval Virtual Center est un formidable outil d’accélération pour les startups si elles le souhaitent. On est capables de leur faire gagner beaucoup de temps sur leurs marchés et sur les technologies parce que nous avons beaucoup de matière là-dessus, beaucoup d’expérience et des ingénieurs forts.
Quel futur pour la réalité virtuelle ? L’année prochaine et au-delà ?
Tout dépend à quel horizon on se place. À court et moyen terme, on peut attendre un déploiement massif pour très bientôt. C’est en train de prendre, on peut le voir à différentes échelles : sur un territoire comme le nôtre où de plus en plus de PME travaillent avec ces outils, et puis on commence à le sentir avec les ESN qui nous consultent de plus en plus pour accompagner leurs clients, les aider et les inspirer pour développer du cas d’usage massif.
Par la suite, il y aura probablement une convergence entre les lunettes de réalité virtuelle et les lunettes de réalité augmentée, avec la possibilité de passer du réel au virtuel instantanément. Cependant, je pense que l’aboutissement, d’ici 50 ans ou même 100 ans, sera que l’on aura plus besoin de device et que l’on s’immergera dans le virtuel via une connexion directe au cerveau…
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